Vouloir aider les personnes qui souffrent (texte du Dre. Roxane Robitaille, Psychologue)

Je voulais vous partager ce très beau texte avec l’aimable autorisation de son auteure, le Dre. Roxane Robitaille, Psychologue. Ce texte vous est autant adressé qu’aux personnes qui nous entourent au quotidien : nos conjoints, nos enfants, nos parents, nos amis… Vous trouverez ce message en lien sur son facebook publié le 24 mai 2020. N’hésitez pas à aller voir la publication pour la commenter.


Regarder quelqu’un s’écrouler
C’est le titre d’un courriel qu’une lectrice m’a envoyé… et il me donne la chair de poule.
Parmi les choses qui déchirent le cœur, regarder quelqu’un qu’on aime s’enfoncer, ou s’autodétruire doit être une des expériences les plus souffrantes que l’on puisse vivre.
Je suis psychologue depuis plus de 10 ans.
Je n’ai jamais guéri personne.
Les gens viennent se guérir eux-mêmes et je les aide à y parvenir.
C’est une distinction importante.
Alors, que peut-on faire ?

Nous ne pouvons pas guérir ceux que nous aimons, mais nous pouvons garder la porte ouverte et les accompagner dans leurs démarches. Nous pouvons leur rappeler que nous tenons beaucoup à eux, avoir de la patience, démontrer de l’empathie et nommer la possibilité de changement.
L’idéal est de le faire sans confrontation, avec douceur en disant par exemple :

« Tu en as beaucoup sur les épaules ces temps-ci, des fois tu dois avoir envie que ça change. »

« Je n’aime pas te voir souffrir comme cela, toi aussi tu dois être tanné. »

« J’ai l’impression que ça ne va pas depuis un moment, que tu es malheureux. As-tu pensé à en parler à quelqu’un? Je sais que c’est dur, mais il y a des solutions. J’en suis certaine. »

On a l’impression de ne rien faire en disant des phrases comme cela, hein ?

Mais on fait beaucoup.

On nomme la souffrance et on nomme qu’au fond, la personne doit vouloir se sentir mieux. L’écart entre les deux situations. Même lorsque la personne ne nomme pas qu’elle est « tannée », on peut le nommer à sa place. On plante la petite graine de la possibilité du changement, et on la place dans les mains de la personne.

Souvent, la personne exprime une résistance. Nous pouvons aussi normaliser cette résistance, sans la contredire en disant simplement : « ah oui, je comprends – ça fait peur – (ça te tente pas, ça coûte cher, ça fait bizarre – ou autre résistance que la personne exprime) » et simplement lui proposer de faire un « essai ». « Essaye une fois et tu verras comment tu te sens après? ». Si la personne ne veut pas, je peux en reparler à un autre moment; le mentionner encore. C’est comme le brocoli, ce n’est pas parce que la personne ne veut pas la première fois qu’elle ne voudra jamais, on peut en parler encore. J’ai planté une graine, des fois je peux venir l’arroser.

J’aime aussi rappeler à la personne en détresse son courage, ses forces et ma confiance en ses capacités. Parce que souvent, la personne se sent comme « un incapable » de vivre de telles difficultés.

« Tu sais, moi je trouve qu’avec tout ce que tu as vécu, tu es vraiment fort. C’est certain que tu te sens à bout. Je ne pense pas que quelqu’un d’autre se sentirait mieux à ta place. Ça prend beaucoup de courage d’oser en parler comme tu viens de le faire. Merci de ta confiance. »

Je dirais que cela est utile pour tout le monde, mais je pense que pour un homme, ce rappel de ses forces est encore plus important.

Pour un homme cela peut être très confrontant d’aller chercher de l’aide. Encore plusieurs hommes sont socialisés selon des vieux modèles où être un homme veut presque dire: ne pas être humain. Donc, la vulnérabilité est vue comme une faiblesse. S’ouvrir, c’est quelque chose qu’on fait avec sa blonde… mais pas entre hommes, et pas devant un thérapeute.

– C’est « pour les faibles ça. »
– Bin non, c’est pour les gens qui se prennent en mains et qui disent : ça suffit, je veux que ça change. Tu n’es pas faible, au contraire, je te trouve bon!

Il est très utile aussi de normaliser ce que la personne vit. On peut aussi rappeler que nous aussi, ou quelqu’un que nous connaissons, et même plusieurs célébrités ont parlé ouvertement de leurs difficultés psychologiques (merci Étienne Boulay et plusieurs autres).

En terminant, dans ma vie personnelle, j’ai souvent essayé d’aider des gens qui ne voulaient pas vraiment d’aide, et ce fut un bouleversement quasi existentiel à chaque fois. Je suis là ! J’ai le cœur ouvert à toi, j’ai les ressources pour toi, je vais y aller avec toi, je sais que tu peux t’en sortir et qu’il y a des moyens !!!! Mais la personne ne veut pas. C’est à se frapper la tête contre un mur tellement c’est incompréhensible…

Mais le rythme de guérison de l’autre n’est pas le mien, ni celui que je souhaiterais pour [lui]. C’est très important de se le rappeler, car sinon, le risque est de se frustrer contre la personne, ou de donner sans compter pour « vraiment » motiver cette personne… et s’épuiser soi-même.

Il est essentiel d’apprendre à écouter ses propres limites dans la relation avec l’autre et s’assurer de mettre son « masque à oxygène » en premier. J’ai nommé plusieurs « techniques » dans ce texte, mais je dois absolument nommer que c’est tout à fait correct que vous ne vous sentiez pas à l’aise ou capable de le faire. Dans ce cas, nous pouvons alerter les proches de cette personne, et lui nommer que nous sommes là comme ami (comme conjointe, comme frère etc.), mais que nous ne sommes pas psychothérapeute.

Il ne faut pas hésiter à aller chercher de l’aide pour soi-même au travers de tout cela, car tel que je viens de le dire, c’est déchirant pas possible de vivre cela. Les cabinets de psychologues sont remplis de gens dont les proches ne veulent pas venir chercher d’aide…

*Notez que ce texte est général et ne s’applique pas à la condition spécifique d’une personne qui est suicidaire, pour laquelle il y aurait les recommandations spécifiques d’appeler le 911, un centre de crise, de l’amener à l’hôpital. N’hésitez jamais à appeler le 911 [en France, on appellera plutôt le 112 ou le 15] si vous pensez qu’un proche est en danger. La police saura les localiser.

Comme à chaque fois, je vous remercie de m’avoir lue !
N’hésitez pas à me laisser un petit mot et à partager !

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