Les « traitements » alternatifs abondent sur Internet pour soigner tout et n’importe quoi. Le lichen scléreux ne fait pas exception. Je mets bien des guillemets car un traitement c’est un terme qui donne un caractère officiel et médical. Or, ce dont je parle ce dont des traitements sans preuves d’une efficacité et sans preuve d’une utilisation sans danger (pour le lichen scléreux atrophique).
Le cas du borax
Un de ces traitements alternatifs est le bain de siège au borax.
Il me semble très risqué de mettre un tel produit sur la zone intime. Et je vous explique pourquoi. Je vous dévoile tout de suite la fin de l’histoire : ce n’est pas une bonne idée et c’est même déconseillé.
C’est notamment déconseillé par des instances médicales comme The British Association of Dermatologists et c’est un message repris par l’association anglophone Lichen Sclerosus and Vulvar Cancer UK Awareness.
Aucune donnée sur l’efficacité mais aussi sur l’innocuité
Déjà, le LS est chronique. On ne le « guérirait » pas vraiment. On est plutôt en phase de calme ou asymptomatique. Deuxio, un LS asymptomatique n’est pas un LS inactif forcément. Et enfin, une thérapie doit prouver qu’elle est efficace et non dangereuse.
Par ailleurs, un argument souvent avancé est que le borax serait dangereux à l’inhalation et qu’un bain de siège n’est donc pas la même chose. Ok. Mais connaît-on pour autant les effets sur une application sur une peau, sur une muqueuse et surtout sur une muqueuse qui a des lésions et qui est malade ?
On n’a aucune idée de l’innocuité de cette pratique. On n’a aucune idée des effets sur long terme d’une telle pratique. Et surtout on ne sait pas si les effets constatés dans l’immédiat signifient une absence de signes cliniques/symptômes et donc de la maladie ou si la maladie ne reste pas active par-dessous.
La muqueuse atteinte par le LS est en état d’inflammation, le terrain est fragilisé par le LS et le pH de cette zone est très délicat. Ainsi, même si d’apparence le borax pouvait soulager, on ne connaît pas ses réels effets à moyen ni long terme. Car un produit n’a pas que des effets immédiats et visibles.
Je comprends que désespérées certaines femmes s’essaient au borax au vu de la réputation du traitement à la cortisone mais je pense qu’elles feraient mieux de s’informer sur les réels effets secondaires de la cortisone plutôt que de prendre peur. J’en parle dans mon article sur l’application des dermocorticoïdes car je suis moi-même patiente. J’étais moi aussi inquiète. Mes recherches m’ont rassuré, j’espère qu’elles vous rassureront aussi.
En savoir plus avec l’article Comment bien appliquer les dermocorticoïdes ?
Un témoignage, même plusieurs témoignages, ce n’est pas une preuve
Je comprends l’engouement au vu des témoignages très nombreux et de la recherche scientifique peu active sur le sujet du LS et le peu d’informations disponibles en français (on se dit qu’après tout, on va chercher toute seule).
Malgré tout je tiens à préciser que des témoignages ne sont pas des tests scientifiques et ne présentent donc aucune validité scientifique. La validité scientifique d’un tel « traitement » est de zéro. Un témoignage n’est pas et ne sera jamais une méthode pour fournir la preuve de l’effet bénéfique et de l’absence d’effets indésirables dangereux du borax sur le LS. Un témoignage ne répond pas à une démarche scientifique. Même s’il y a beaucoup de témoignages.
Pour expliciter ce que je viens de dire je vous recommande la vidéo de La Tronche En Biais : « Comment j’ai soigné mon cancer — Vlog«
Contrairement aux apparences (je le précise pour les pressé(e)s qui regarderont la vidéo plus tard), il démontre justement que ce type de vidéo-témoignage ne fait pas preuve de quoi que ce soit et qu’il ne faut pas s’y fier pour sa propre santé – même si son témoignage reste très poignant. C’est sur ce principe que repose beaucoup de thérapies alternatives : le témoignage et l’observation d’exemples. C’est ce qui fait que des thérapies ne reposant que sur des témoignages devraient être prises avec des pincettes. C’est ce qui fait que quand quelqu’un justifie son propos sur une thérapie à partir d’un exemple de patient, il vaut mieux prendre un peu de recul.
Enfin, on entend souvent : oui mais elles sont nombreuses à essayer et ça marche à chaque fois ! Est-ce que les femmes qui ont arrêté s’en vantent ? Est-ce que celles qui ont eu des problèmes à cause de ces essais en parlent ? Est-ce qu’elles ne sont pas censurées par le medium (site/forum/etc.) sur lequel vous circulez ?
Validité scientifique
Je vous encourage toutes vivement à bien différencier un truc ou un traitement alternatif testé par des femmes et un traitement proposé à la suite d’une validation par un protocole scientifique par des médecins experts.
En savoir plus avec l’article Validité scientifique des traitements et effet placebo.
Sur ce site, je précise toujours si je donne quelque chose que j’ai testé personnellement, qui est validé ou étudié par une opinion médicale ou par une étude scientifique et les textes qui l’exigent sont relus par un spécialiste (dermatologue ou psychologue).
Par ailleurs, l’argumentaire visant à discréditer le traitement par dermocorticoïdes ne devrait pas servir à accréditer les prétendus traitements alternatifs. Oui, il existe des conflits d’intérêts (financiers, idéologiques, politiques, etc.) dans les études scientifiques, oui un produit étudié peut/doit rapporter de l’argent, oui il existe un lobby pharmaceutique. Mais est-ce que cela doit détruire des dizaines d’années de recherches et la une des seules portes offertes aux malades du LS pour les soulager et retrouver une qualité de vie ?
Le cas des huiles essentielles et de l’aromathérapie
Je vous parle du borax car ce sujet me titille mais on pourrait aussi parler des huiles essentielles en application locale.
Bien que très intéressée par l’aromathérapie, je suis très prudente avec cette thérapie. J’ai moi-même suivi une formation d’introduction à l’utilisation des HE au quotidien et j’en suis ressortie encore moins confiante qu’auparavant au vu des mises en garde et contre-indications nombreuses mais peu mises à disposition du public. Inutile de vous dire qu’auparavant j’avais déjà expérimenté le côté sombre des HE à cause d’une mauvaise information.
L’aromathérapie n’a pas de véritable solidité scientifique. Les études ne sont pas toutes rigoureuses, peu d’entre elles ont été faites dans un contexte clinique (test sur l’humain et non pas dans des éprouvettes) et peu ont des résultats probants.
Je ne suis personnellement pas favorable à des traitements alternatifs aux HE si c’est pour arrêter la cortisone sans suivi médical. C’est un avis personnel généralisé : je suis partisane des thérapies alternatives si elles viennent en complément et non pas en substitut.
De plus, selon la personne qui vous aura conseillé, vous serez – ou non – mis en garde contre l’application sur des lésions ou des plaies et aussi sur la muqueuse. En effet, la question n’est pas tranchée au sein même de l’aromathérapie. Il y a des partisans pour une utilisation sur muqueuse et d’autres qui sont catégoriques : pas d’HE sur une muqueuse.
Néanmoins, je comprends l’intérêt mais s’il vous plaît parlez-en avec votre médecin.
Périnée bien aimé, une association de sages-femmes, donne sur son site un remède à base d’huiles essentielles contre les démangeaisons. La dilution donnée de 10% est un grand maximum pour une application sur une peau/muqueuses avec des lésions. Je pense que vous pourriez réduire encore la dose d’HE. Je vous donne le lien car je pense que leur recette sera toujours mieux que des essais bidouillés chez soi quand on n’est aucune formation sérieuse (les HE sont disponibles en vente libre et inutile de vous dire que je trouve ça assez discutable).
Conclusion
Le borax bien que tentant doit être pris avec des pincettes. L’aromathérapie offre un large panel de possibilités mais qui sont encore à l’étude et rien n’est étudié pour le lichen scléreux.
Même s’il existe peu de réponses pour nous les femmes atteintes de LS, renseignez-vous toujours (auprès d’un tiers ou par vous-même). Comme dirait l’autre : tous ceux qui n’ont pas été satisfaits du truc ne vont pas le crier sur les toits.
Si vous voulez être cobaye, libre à vous, mais précisez bien aux personnes à qui vous en parlez que ça n’engage que vous et qu’il vaut mieux prendre l’avis du médecin.
Est-ce que cela vous empêche de faire de l’alternatif ? Ce n’est que mon opinion (étayée) que je donne et vous pouvez vous faire votre propre avis mais alternatif et non validé scientifiquement avec le risque de cancer si pas de véritable traitement (3 à 5% des patients), perso je passe mon tour.
Je serais ravie de discuter avec vous sur la question. Pour une fois, j’ai un avis relativement tranché mais je suis ouverte au débat 😉
Portez-vous bien 🙂