Je souhaite partager une libre réflexion à propos de la validité scientifique des traitements du LS et de l’effet placebo.
Prenons le scénario suivant
Je suis une femme ordinaire, disons que je m’appelle Lilie. Je suis atteinte de lichen scléreux vulvaire. La première fois qu’on me donne le diagnostic on ne me dit pas grand chose (ou je ne m’en souviens pas car j’ai encaissé le choc) et je repars avec une crème à base de cortisone notée sur une ordonnance.
Puis je me rends sur Internet (et oui, je suis humaine !) pour obtenir des réponses à mes questions et je tombe sur des traitements différents et des critiques de la cortisone (et si j’ai de la chance sur le groupe de soutien francophone 😉 ). Très préoccupée par ma santé et inquiète de lire les effets indésirables des dermocorticoïdes, je me dis tout naturellement qu’il me faut diminuer voire arrêter la cortisone dès que je me sens mieux pour tester d’autres choses.
En savoir plus avec l’article Comment bien appliquer les dermocorticoïdes ?
Un traitement reconnu médicalement c’est quoi ?
Dores et déjà, en tant que site touchant un large public, j’avertis que ce n’est pas recommandé d’arrêter, sans avis médical, le principal « traitement » reconnu médicalement à ce jour pour enrayer l’inflammation induite par le lichen scléreux vulvaire qui est une maladie chronique.
En savoir plus avec l’article C’est quoi le lichen scléreux ?
Mais d’ailleurs comment est-ce que les dermocorticoïdes ont pu être validés comme traitement pour le LS ? Eh bien via des études scientifiques et des expériences. En comparant différents traitements et en les testant de manière rigoureuse.
En savoir plus avec l’article du site Cochrane Traitements topiques pour le lichen scléreux génital.
Il faut dire que les dermocorticoïdes ont un bon passé de recherches scientifiques vu que c’est le traitement proposé pour de nombreuses pathologies (psoriasis, eczéma, etc.).
Par exemple, cette étude menée entre autres par le Dr Goldstein, a montré que le propionate de clobétasol (qu’on retrouve dans dermoval, dermovate, clarilux…) est un traitement efficace du LS. Pour être bien sûrs d’eux les médecins ont beaucoup de paramètres à prendre en compte :
- Le fait le produit est comparé à un produit inoffensif appelé « placebo ».
- Que ni le patient ni le médecin ne sachent quel produit est proposé durant l’expérience (le placebo ou le traitement en cours de test ?).
- Que l’échantillon de personnes testées soient assez volumineux.
- Que l’étude soit réplicable (qu’on puisse la refaire et obtenir les mêmes résultats), etc.
Autant de paramètres importants pour affirmer avec certitude qu’un traitement est approprié et efficace mais aussi sans danger. Ce qui a amené la communauté scientifique à conclure que les dermocorticoïdes améliorent la qualité de vie des patients et comportent peu de risques pour être utilisés par des patients atteints du LS.
Qu’en est-il des traitements non reconnus scientifiquement ?
En (très) gros, deux cas existent :
- Des traitements qui ne font pas l’objet d’études (par manque de chercheurs intéressées, par manque de financement mais aussi d’intérêt scientifique et parfois par manque de rentabilité).
- Des traitements qui sont en cours d’étude et qui n’ont pas encore fait leurs preuves mais qui pour autant peuvent être prometteurs (ou pas hein).
Comparaison de deux « traitements »
On va prendre deux opposés :
- Un « traitement » non étudié scientifiquement (à ma connaissance) : le borax qui est un traitement alternatif déconseillé par la communauté scientifique dont l’association The British Association of Dermatologists.
- Les injections de plasma riche en plaquettes (PRP) étudiées scientifiquement par des médecins dont les Dr Goldstein et Casabona.
Le borax
J’ai déjà écrit sur le borax dans l’article « Traitements » alternatifs : borax et aromathérapie
Ce n’est pas un traitement reconnu scientifiquement pour le lichen scléro-atrophique. La seule validité que vous lui trouverez ce sont des témoignages nombreux et des défenseurs (véhéments). Je reviens à mon scénario de la patiente Lilie qui a peur de la cortisone et qui découvre le borax. Je lis que ça marche alors pourquoi ne pas essayer ? Et bien parce que 1/ c’est déconseillé par des dermatologues et 2/ il n’y a aucune preuve que les « bienfaits » du borax n’aient pas des effets insidieux à moyen/long terme et 3/ agir sur les symptômes et les signes cliniques n’empêchent pas éventuellement la maladie d’être active en sous-marin…
Les injections de plasma riche en plaquettes (PRP)
Les PRP c’est déjà autrement plus compliqué comme intervention et en tant que patiente – Lilie – qui a peur de la cortisone, je rechigne également à entreprendre des démarches aussi lourdes. À savoir malgré tout qu’il s’agit d’une intervention non chirurgicale. En faveur de cette intervention, j’apprends que les injections de plasma c’est étudié scientifiquement par des experts et c’est recommandé par des médecins. Je lis ça et, passée la peur de devoir faire une intervention je me dis, pourquoi ne pas essayer ?
La différence entre ces deux « traitements » est fondamentale : l’un a fait l’objet de recherches scientifiques, l’autre non. Moi, Lilie, je dois donc savoir que c’est une différence qui peut avoir son importance.
L’effet placebo
Dans les deux cas intervient une notion très importante : l’effet placebo.
En savoir plus sur l’effet placebo avec cette vidéo de La Tronche En Biais.
Dans le cas présent, le youtubeur parle de l’homéopathie mais il y présente l’effet placebo malgré tout et c’est ça qui compte.
Le borax ne peut pas prouver qu’il va au delà d’un effet placebo et qu’il est inoffensif
Ce qui est important de savoir c’est donc que très probablement le borax pourrait avoir un effet placebo car les femmes qui le tentent n’ont hélas aucun moyen de prouver qu’elles ne se sont pas elles-mêmes mises dans la situation d’y croire. Elles n’ont pas les conditions nécessaires chez elles dans leur salle de bain pour faire une étude avec un groupe contrôle, en double aveugle et avec de la randomisation. Et elles ont toutes les raisons d’y croire car elles sont souvent démunies et encouragée par une communauté très active. Pour être malgré tout honnête : on conviendra qu’une étude sur le borax n’aura jamais aucun financement car ça ne rapporterait pas et que cela n’exclut donc pas la possibilité que le borax soit efficace sur certains aspects de la maladie. Cependant, si vous avez lu le compte-rendu traduit de la conférence du Dr Goldstein, vous aurez maintenant compris qu’une vulve asymptomatique n’est pas signe d’un LS inactif. Le borax ne peut pas prouver qu’il est efficace mais surtout qu’il n’a pas d’effets indésirables. Le ratio coût/bénéfice ne peut donc pas être calculé.
Les injections de plasma riche en plaquettes (PRP) ni dangereuses ni efficaces ?
Des grands noms de la recherche sur le lichen scléreux tentent depuis des années de prouver l’efficacité des PRP. En outre, c’est une procédure recommandée par certaines institutions médicales et donc par certains médecins. Ce qui est autrement avantageux par rapport au borax. Si vous lisez même une ou deux études, vous trouverez des résultats probants ! Mais voilà, la vidéo de la Tronche en Biais vous aura appris qu’il y a des conditions nécessaires pour qu’une étude scientifique soit valide et solide et réplicable. En l’occurrence, le compte-rendu de la conférence du Dr Goldstein (encore elle !) a permis de partager avec vous le résumé de deux études de ce gynécologue sur les PRP. C’est un médecin qui cherche à en prouver l’efficacité mais qui pensait que les études précédentes ou de ces confrères manquaient de solidité :
- Pas de groupe contrôle autrement dit tous les participants subissaient la procédure PRP et aucun n’avait une injection d’un produit sans efficacité afin de vérifier qu’il n’y a pas d’effet placebo ;
- Pas de contrôle de l’effet de l’expérimentateur : le médecin administrant sait qu’il administre le bon produit s’il y a un groupe contrôle ;
- Pas de randomisation des participants de l’étude…
C’est justement pour cela que sa dernière étude sur cette procédure prenait soin de contrôler tout cela afin de vérifier que les PRP sont bien plus efficaces qu’un placebo. Résultats : toujours pas de preuve de l’efficacité de cette procédure. Ce qui encore une fois ne veut pas dire que cette méthode n’a pas une efficacité et n’a pas de bons résultats sur les patients. Mais cela reste à prouver encore scientifiquement.
Que peut-on en conclure ?
Ce qu’il faut retenir : quand on est un patient sans formation scientifique ou connaissances préalables et qu’on n’est pas plus bête qu’un autre, on peut se faire avoir par des témoignages ou par le simple fait que des recherches existent ou par le fait que des études mal conduites concluent à l’efficacité d’un traitement.
Pour autant, il peut se passer des années avant que des traitements soient validés.
Peut-on conclure quoi que ce soit à propos du borax ou des PRP ? Pas vraiment. Le borax n’étant pas étudié, il est difficile d’être sûr de quoi que ce soit. Cependant, les avis opposés à son utilisation de la part de médecins m’amènent personnellement à ne pas vouloir tenter le coup. Mais j’aime comprendre pourquoi. Les injections de plasma quant à elles sont en cours d’étude par plusieurs médecins qui sont en espèrent beaucoup. Et beaucoup de patients très bien suivis médicalement en sont contents.
J’aurais tendance personnellement à prendre en compte le peu d’effets indésirables retenus contre les injections de plasma riche en plaquettes (PRP) et à mesure les bénéfices probables comme je le fais avec la cortisone. Je n’ai rien contre le traitement par injections de plasma, je le précise, je suis moi-même très tentée d’être cobaye si un jour cela m’est possible. Mais c’est une autre histoire ! Je serais ravie d’ailleurs d’en discuter avec des patient(e)s qui ont tenté l’expérience dans les commentaires.
L’effet placebo et les traitements alternatifs
Enfin, je me permettrais une réflexion personnelle sur le sujet car il m’intéresse beaucoup. Je vais prendre le cas de l’homéopathie pour illustrer mon propos. Quand plusieurs études scientifiques ont voulu prouver l’efficacité d’un traitement sans y parvenir, je vais avoir tendance à ne plus trop considérer que ce traitement a un avenir (ce qui est le cas pour l’homéopathie selon mes connaissances actuelles). Pour autant, je suis bien consciente que l’effet placebo est important pour la réussite d’un traitement.
En savoir plus avec l’article du site Diagnosteo L’illusion de l’efficacité en ostéopathie (Part 1): Placebo VS Mambo Jambo.
L’auteur de l’article y dit :
Mais il serait tout aussi hypocrite de ne pas accepter que le placebo ait une part très importante dans l’efficacité thérapeutique de l’ostéopathie.
Pierre de Lasteyrie, Diagnosteo.
Je ne suis donc pas plus têtue qu’une autre et si le traitement en question ne me porte pas préjudice, qu’il est avec l’aval d’un médecin en qui j’ai confiance et qui m’apporte beaucoup par ailleurs (de l’écoute), qu’il est suivi en complément d’un traitement reconnu comme efficace – et donc que le médecin homéopathe n’est pas dans une démarche de l’exclusion de « l’allopathie » – je ne vois pas pourquoi je l’écarterais. Dans le cas de l’homéopathie, on pourra me rétorquer que ça fait fonctionner ce business, mais j’ai envie de répondre à ceux-là : je vous donne ma maladie et je vous laisse trouver des traitements, ok ?
Ainsi, j’ai recours consciemment à des traitements (alternatifs) et à des thérapies qui n’ont pas fait leurs preuves scientifiquement (ou pas totalement) mais qui m’aident à me sentir bien, à accepter d’autres difficultés, à suivre mon traitement « réel » consciencieusement en parallèle, qui ne vont pas à l’encontre donc de ma santé et qui ne se mettent (surtout) pas en opposition avec la médecine conventionnelle. En vrac : l’homéopathie (ça dépendra du médecin homéopathe, certains refusent d’exercer la médecine conventionnelle), l’aromathérapie, l’ostéopathie, la chiropraxie, la réflexologie, la médecine chinoise… Attention, je ne dis pas que toutes ces thérapies/médecines n’ont pas de preuves car je n’ai pas fouillé le sujet pour toutes (j’aime garder un peu de magie), mais simplement que je ne me repose pas que sur elles.
Conclusion
si j’arrête/diminue la cortisone ce sera seulement sur l’avis d’un médecin ou en toute connaissance de cause autrement dit en sachant que le LS étant une maladie chronique, je prends des risques. Et je m’aide en parallèle de toutes les thérapies à ma disposition sans me laisser berner par des discours semi-scientifiques fallacieux ou des abus de langage ou des mensonges médicaux. Mais j’accepte l’effet placebo comme un allié en toute conscience. Savoir que c’est un placebo en diminue-t-il l’effet qu’il a sur moi ? Bonne question ! Des avis, des commentaires, envie de partager votre expérience, allez-y !
Et pour finir, c’est une pensée qui s’écarte totalement de ce que je viens de dire et qui m’est entièrement personnelle : il me reste l’espérance.
En attendant, portez-vous bien.